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MODE ET LUXE : LES INVESTISSEURS REVOIENT LEURS ATTENTES

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Le dernier rapport Deloitte est clair : si leur nombre a progressé de 70 par rapport à 2015, les transactions financières dans le luxe, estimées à 211 en 2016, ont notamment été tirées par les secteurs Mode & Accessoires (+36 deals par rapport à 2015 et 33% du nombre total de transactions en 2016) et Horlogerie & Joaillerie (+23 deals et 18% des transactions).

Le montant des acquisitions dans l’industrie du luxe a toutefois baissé en 2016, passant de $ 582 millions à $ 449 millions (-23%), conséquence du ralentissement général du secteur depuis 2014 – du moins en ce qui concerne les biens de consommations (+13,3% de croissance annuelle moyenne entre 2010 et 2014 contre +4% en 2014-15).

De son côté, le luxe d’expérience est resté stable. Bilan : ni 2015, ni l’année suivante n’ont engendré de mega deals. Analyse des tendances des marchés et ses répercussions sur les attentes des investisseurs.

Les chiffres de cette première moitié d’année 2017 se sont révélés plutôt positifs, à l’instar des prévisions du cabinet Bain & Company qui a indiqué que la croissance du secteur pour 2017 était mieux orientée, malgré des incertitudes mondiales toujours présentes, estimant que le marché pourrait même atteindre 285 milliards d’euros à l’horizon 2020, soit « une croissance annuelle de 3 à 4 % à partir de 2017 ». Ainsi, malgré de bonnes perspectives et la profitabilité relativement stable de l’industrie du luxe qui affiche une moyenne de 17% de marge d’EBITDA (+0,7% en 2016 par rapport à 2010), la conjoncture morose de ces derniers mois et l’ensemble des facteurs susvisés ont obligés les investisseurs mondiaux à revoir leurs attentes et à élaborer de nouvelles stratégies.

Selon la deuxième édition de l’enquête Global Fashion & Luxury Private Equity and Investors, fournie en complément du rapport annuel de Global Powers of Luxury Goods 2017 publiée par Deloitte, plusieurs tendances se dégagent des investissements réalisés dans les secteurs Premium, du Luxe et de la Mode. On constate notamment que les secteurs Mode & Accessoires ainsi que Horlogerie & Joaillerie, même s’ils connaissent un fort ralentissement de la croissance depuis 2014, restent les plus attractifs pour les investisseurs. Ces secteurs ont effectivement enregistré une progression respective des ventes de +6,5% et -0,3% entre 2014 et 2015 – contre une progression respective de +10,8% et +16,5% entre 2010 et 2015.

De manière générale, si un ralentissement s’est surtout fait sentir pour les biens de consommation, notamment sur le marché asiatique, les croisières de luxe ont de leur côté progressé de +22,8 % en 2015. Par ailleurs, le rapport souligne qu’une croissance annuelle de 5 à 10% est attendue par les investisseurs dans le secteur Luxe et Mode en 2017, tandis que pour Mode & Accessoires ainsi que Horlogerie & Joaillerie, une croissance respective de 5 à 10% et 0 à 5% est attendue cette année. Autre tendance: les entreprises continuent de faire des transactions leur permettant de regagner un maximum le contrôle de leur production, design et réseau de distribution. Par ailleurs, elles adoptent la nouvelle réalité digitale qui les entourent. Enfin, on constate que les sociétés de private equity continuent d’investir dans le secteur (à hauteur de 29% des investissements réalisés en 2016).

Investisseurs : priorité à l’internationalisation…

Selon le rapport Deloitte, pour la majorité des investisseurs (67%), l’internationalisation des entreprises devient un levier essentiel pour la ENQUÊTE croissance de l’industrie du luxe, suivi par le développement de nouveaux réseaux de distribution (30%), la recherche et le développement de nouveaux produits (24%), la restructuration (24%) et le digital (24%). Ces axes d’investissement prioritaires convergent avec les préoccupations des entreprises qui ambitionnent effectivement, dans le cadre de leur développement, de reprendre le contrôle du design, de la production et de leurs réseaux de distribution. L’objectif est bien entendu de permettre le renforcement de synergies au sein de l’entreprise tout en boostant au maximum leurs ventes.

En général, les sociétés qui contractent des partenariats tels que des licences, des franchises, des opérations de joint-venture ou encore des contrats de distribution projettent d’établir la présence d’une marque sur un nouveau marché géographique, ou d’assurer le lancemgent d’un nouveau produit sur ce marché. A l’issue de la collaboration, certaines entreprises n’hésitent pas à racheter leurs partenaires afin d’exercer un contrôle total sur la marque. Une illustration parfaite de ce schéma est l’exemple Puig. Puig, une société de prêtà- porter et de parfum basée à Barcelone, a pris le contrôle des parfums Jean Paul Gaultier en Janvier 2016, l’intégrant dans son portfolio de marques. Puig est l’actionnaire principal de la maison Gaultier (secteur mode) depuis 2011 mais entre 1993 et 2015, les droits sur les parfums de la marque étaient détenus par Beauté Prestige International (filiale de Shiseido). Avec cette transaction, Puig contrôle désormais l’habillement et les parfums de quatre maisons : Carolina Herrera, Nina Ricci, Paco Rabanne et désormais Jean Paul Gaultier.

Plus récemment, le rachat en juillet 2017 du chausseur Jimmy Choo par Michael Kors pour un montant d’1 milliard d’euros, s’est fait au détriment du groupe Interparfums, pourtant aussi en lice pour acquérir la marque cotée à la Bourse de Londres dont elle détenait déjà la licence parfums. Autre exemple plus complexe : celui du rachat de Christian Dior SE en juin 2017 par LVMH. En effet, le groupe familial Arnault (GFA) a racheté, via Semyrhamis, les parts des actionnaires minoritaires de la holding Christian Dior SE, dont il détenait déjà 74,1% du capital. Au terme de l’offre publique d’achat ouverte du 8 au 28 juin 2017, il en contrôle désormais 94,22%. L’objectif : rachat des parts des minoritaires de la holding Chrisitan Dior SE par le groupe familial Arnault, puis rachat de la marque Christian Dior Couture par LVMH. Selon le PDG Bernard Arnault, ces transactions « permettent […] une simplification des structures, depuis longtemps demandées par le marché et le renforcement du pôle Mode et Maroquinerie de LVMH ».

… ainsi qu’au digital

Avec l’internationalisation (+15 points en % par rapport à 2016), le digital (+20 points) connait la plus forte progression parmi les différentes stratégies de croissance privilégiées par les investisseurs du secteur en 2017. Si le luxe a été extrêmement lent à adopter le phénomène digital, celui-ci participe pourtant à la croissance de l’ensemble de l’industrie. L’étude Deloitte souligne en effet que le digital était impliqué dans pas moins de 64% des ventes réalisées dans l’industrie de la mode et du luxe en 2015, contre 49% l’année précédente. Ceux qui refusent encore de s’y soumettre sont en bien mauvaise posture économique, n’en déplaise à la maison Léonard, dont les enfants et successeurs du créateur ne veulent toujours pas entendre parler d’e-shop… Kering a ainsi fait du e-business sa stratégie prioritaire.

Le groupe a notamment lancé son programme Kering Digital Academy en 2011 afin de promouvoir une « digital corporate culture » en son sein. Il avait également contracté dès 2012 un partenariat avec Yoox (e-shop qui a fusionné avec Net-a-Porter en 2015) afin d’ac- 37 célérer le développement du e-commerce de ses marques. Autre initiative: l’accélérateur « Plug and play – Fashion for Good » lancé en 2016 qui s’adresse directement aux strat-up innovantes auxquelles le groupe propose, en 2017, un programme d’accompagnement à l’issue d’un concours organisé en partenariat avec les Galeries Lafayette.

En juin 2017, le fonds de la famille Pinault, Artémis, a également créé une plateforme de capital-risque. L’objectif: lever jusqu’à 250 millions d’euros pour investir dans le développement d’une dizaine d’entreprises françaises du numérique aux Etats-Unis.

Pour rester compétitives, les entreprises du secteur s’intéressent donc à l’investissement dans des sociétés dont le business model repose sur l’innovation et le digital. Kering devra ainsi faire face à l’intérêt grandissant de son concurrent LVMH pour le digital. Ce dernier a notamment lancé son premier fonds de capital-innovation pour investir près de 50 millions d’euros dans une dizaine des jeunes marques de mode innovantes en France et à l’international. Mais le leader mondial du luxe ne s’arrête pas là, il a également créé le premier LVMH Innovation Award en 2017 lors du salon Vivatech en juin 2017 à Paris.

Heuritech, une strat-up spécialisée dans l’intelligence artificielle, lauréate de cette première édition, pourrait bien nouer des partenariats avec les 70 maisons du groupe. En juin 2017, il a lui-même lancé 24 Sèvres, sa nouvelle plateforme multimarque inspirée du Bon Marché.

 

 

Quelles attentes des investisseurs?

Avec 29% des investissements réalisés dans le secteur en 2017, les fonds d’investissement (private equity), continuent d’être attirés par l’industrie du luxe, toujours en quête de nouveaux marchés géographiques et de financements pour la croissance de ses entreprises en développement. Dans de nombreux cas, le private equity choisit de racheter des actions minoritaires, avant de mettre la main sur les entreprises qu’il convoite. Cette stratégie change en profondeur le visage de l’industrie du luxe en ce que ces fonds transforment certaines petites entreprises familiales en multinationales.

C’est ainsi qu’Artémis, la société d’investissement de la famille Pinault, a annoncé en juin 2017, une prise de participation dans la maison de mode Valli dans le cadre d’une alliance qui pourrait aboutir d’ici quelques années à une prise de contrôle. « Artémis, par ses moyens et son expertise, contribuera au soutien et à l’essor de la maison Valli et l’accompagnera dans une nouvelle phase de son développement », ont déclaré les deux groupes dans un communiqué commun.

Par ce « partenariat », Artémis « entre au capital de la maison Valli pour en devenir potentiellement, à terme, l’actionnaire majoritaire », d’après le communiqué. De son côté, LVMH a boosté son activité de private equity en annonçant en janvier 2016 une fusion avec Catterton et Groupe Arnault dans le but de créer L Catterton, « the largest consumer- focused investment firm in the world. » Les transactions de 2016 ont prouvé que, malgré le ralentissement de leur croissance ces dernières années, les secteurs Mode & Accessoires ainsi que Horlogerie & Joaillerie étaient les plus attractifs pour les investisseurs du luxe et de la mode. Ils figurent aussi parmi les secteurs les plus profitables pour les investisseurs (respectivement 21 et 25% de marge d’EBITBA).

Et au niveau des investissements attendus en 2017, même si l’intérêt semble légèrement décliner pour celui-ci comparativement à l’an dernier, le plus attractif selon l’étude reste le secteur Mode & Accessoires (68% des investissements attendus en 2017), suivi par Cosmétiques & Parfums (49%), Distribution sélective (30%) et Mobilier (26%). Le secteur Horlogerie & Joaillerie, malgré le ralentissement de sa croissance en Asie, représente tout de même 21% des investissements attendus en 2017 car ces biens de consommation sont considérés comme moins volatiles.

De son côté, le Digital, nouveau secteur de taille, devrait attirer pas moins de 15% des investisseurs. Si les investisseurs actuels sont surtout attirés par les secteurs innovants comme le Digital Luxury, les nouveaux arrivants sur le marché préfèrent investir dans des secteurs plus traditionnels du Luxe et de la Mode tels que Mode & Accessoires ainsi que les Cosmétiques et Parfums. En termes de volume d’investissements, les investisseurs sont plus enclins à acquérir des petites entreprises (40% des acquisitions en 2016) et moyennes entreprises (32%).

Néanmoins, en 2016, la consolidation continue de l’industrie Luxe et Mode les a amenés à se réorienter vers de plus grosses entreprises (+7 points en pourcentage par rapport à 2015) dont le développement est privilégié par leur stratégie d’internationalisation, le digital et la restructuration. Sur la forme des deals en question, le Leverage Buyout (LBO, 33%) ainsi que le Management Buyout (MBO, 29%) restent les grands favoris des investisseurs qui peuvent ainsi, via une dette senior, acquérir des parts majoritaires dans les entreprises cibles.

L’augmentation de ces opérations se fait par ailleurs au détriment des prêts d’actionnaires. La majorité des retours sur investissements attendus varient entre 21 et 30% en 2017 avec notamment la Distribution sélective et le Mobilier comme secteurs les plus performants (>30%).

Par Claire DOMERGUE et LOUISE EL YAFI

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