Deux fois Palme d’or à Cannes en seulement six long-métrages ! Le réalisateur suédois a de quoi intriguer… ou plutôt nous faire réfléchir. A seulement 48 ans, il est parvenu à imprimer sa signature avec son regard incisif et son humour corrosif sur les petites lâchetés de notre monde contemporain. Ces deux palmes d’or étant très inspirées par l’univers du luxe – le marché de l’art pour la première et l’influence mode pour la seconde- nous ne pouvions passer à côté.
L’année dernière – soit cinq ans après avoir reçu une palme d’or à Cannes pour son film The Square (2017) – Ruben Östlund remportait sa deuxième Palme d’or pour son sixième film Sans Filtre/Triangle of Sadness (2022).
Première dans l’histoire du festival, le lauréat du grand prix est celui qui décide cette année de son successeur en tant que Président du jury.
Deux Palmes d’Or… consécutives
Ne vous fiez pas à son air gentil de GO du Club Med tout sourire, Ruben Östlund est un provocateur né – façon Monty Python survolté – qui a l’habitude de descendre tout schuss pentes enneigées… et faux semblants.
D’ailleurs, ne lui parlez pas non plus du “modèle suédois”, son pays natal. La confiance (perdue) des sociétés nordiques, il en a fait le sujet de prédilection de ses premiers films – à la manière d’un rêve américain dynamité par des Denys Arcand, Ken Loach, Oliver Stone ou encore Michael Moore.
Ruben est d’ailleurs un habitué du festival et ce depuis que Happy Sweden, son deuxième film, a été sélectionné en 2008 dans la catégorie Un Certain Regard. Un essai qu’il transformera d’ailleurs en 2011 avec son film Play présenté à la Quinzaine des réalisateurs ou encore pour son quatrième film Force Majeure/Snow Therapy, là encore dans la catégorie Un Certain Regard.
Lorsqu’il revient deux ans plus tard au festival de Cannes, c’est pour entrer in-extremis dans la sélection officielle, raflant au passage – et à la surprise générale – sa première Palme d’or avec une comédie noire : The Square. Soit l’histoire de Christian (Claes Bang, magistral), père divorcé et conservateur de musée d’art contemporain préparant une nouvelle exposition intitulée The Square. Le Carré donc (mais également le “taré”), du nom d’une œuvre d’art décrite dans le film par ce dernier comme “un sanctuaire de confiance et de bienveillance où nous avons tous les mêmes droits et les mêmes devoirs.”
Or, le vol de son portefeuille et de son téléphone portable par des pickpockets va faire voler en éclat les grands principes dudit conservateur (éthique, d’égalité et de respect), au profit d’un désir de vengeance, quasi sadique.
Au passage, le film tourne en ridicule un monde de l’art devenu simple support de communication, atteignant son paroxysme sous les ors d’un dîner de gala avec la performance mémorable d’un homme-chimpanzé, interprété par Terry Notary.
En 2022, il revient avec Sans Filtre/Triangle of Sadness et décroche sa deuxième palme d’or. Si la version française du titre fait allusion à la société de l’attention et des réseaux sociaux, Triangle of Sadness évoque l’industrie de la beauté. Son titre fait référence à l’espace entre les sourcils où les difficultés de la vie se manifestent sous forme de rides. En d’autres termes, si vous n’avez pas l’argent, le pouvoir et le privilège de les atténuer par une intervention rapide, vous ne pourrez pas y échapper.
Avec ce film, le réalisateur voulait d’ailleurs mettre en avant une histoire “où l’apparence est le capital et la beauté une monnaie d’échange.” Il peut être d’ailleurs vu comme la continuation de The Square, tant il bat en brèche une nouvelle fois le principe d’égalité mais cette fois-ci dans le club très fermé des 0,001% de la planète.