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LUXE & E-COMMERCE : LE DÉFI DE L’EXPÉRIENCE CLIENT

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Après avoir longtemps été négligé par les grandes maisons, Internet devient le nouveau levier d’action pour soutenir la croissance des marques de luxe. Dans un univers propice au rêve, les enseignes s’activent pour améliorer l’expérience d’achat en ligne. Les points de vente physiques pourront-ils conserver le monopole de la distribution tandis que l’e-commerce a représenté 7% du chiffre d’affaires total du luxe en 2016, et que les analystes lui prédisent une croissance exponentielle dans les prochaines années ? Décryptage.

Le digital, un enjeu clé

Si la croissance des ventes du secteur du luxe est globalement en ralentissement (2 à 5 % dans les années à venir, alors que sa croissance était comprise entre 8 et 10% les dernières décennies, d’après les estimations du Boston Consulting Group), certaines enseignes ont su tirer leur épingle du jeu grâce au e-commerce. Depuis sa fusion avec le groupe italien Yoox, les bénéfices de Net-A-Porter, plateforme de vente en ligne de luxe détenue par le groupe Richemont, n’ont cessé de croître. Le groupe suisse, à l’automne 2015, a acheté 50% des parts de Yoox. Grâce à cette fusion, Richemont a pu en dégager un bénéfice net en hausse de 16% en 2016, alors que celui du groupe est, lui, en recul de 46 %, à 1,21 milliard d’euros.

Le cabinet de conseil McKinsey, en partenariat avec la fondation Altagamma, estimait en 2015 que la part du e-commerce dans les ventes totales de luxe sera de 12% en 2020, puis de 18% en 2025, à 70 milliards d’euros. Cela signifie que le commerce électronique devrait devenir le troisième marché mondial de luxe après la Chine et les États-Unis.

Le cabinet BCG ainsi que Bain & Co estiment que la part des ventes sur Internet a représenté 7% des ventes globales en 2016, et annoncent les mêmes perspectives que le cabinet MacKinsey pour l’horizon 2020. En 2015, elles ont progressé de 27%, alors que les ventes physiques n’ont connu qu’une hausse de 7% Au premier trimestre 2017, Kering, le géant français, a par exemple pu profiter d’une progression de 60% de ses ventes de luxe en ligne, contre 12% sur l’ensemble de l’année 2016.

Jusqu’ici sensibles à l’expérience client offerte en boutique, les grandes maisons ont eu tendance à délaisser le canal digitalisé. Aujourd’hui, face à une nouvelle clientèle plus jeune, exigeante et connectée, elles n’ont d’autre choix que de s’adapter. Selon les analystes de Wavestone (anciennement Kurt Salmon) qui ont réalisé, avec Uptilab, spécialiste de la data, appliquée à la vente de produits de luxe, une enquête barométrique qui évalue les sites et l’expérience utilisateur de 43 maisons représentatives du luxe et deux pure players multi-marques (Audit réalisé du 16 février au 02 mars 2016), « 75% des clients s’informent en ligne avant d’acheter un produit de luxe ». Et selon le Boston Consulting Group, 57% des clients français les plus fortunés préparent « souvent ou systématiquement » leur achat en se renseignant en ligne avant d’acheter sur un point de vente physique.

« Les marques ont longtemps pensé que l’e-commerce était réservé à la consommation de masse et préféraient miser sur leurs boutiques et l’expérience client. Mais elles ont été rattrapées par leurs clients, qui sont massivement en ligne, et, depuis deux ans maintenant, elles s’y mettent à marche forcée. » précise Olivier Abtan, associé et responsable monde du secteur du luxe au sein du cabinet de conseil BGC. Le secteur a donc pris conscience de l’intérêt que représente Internet pour booster la croissance et capter une nouvelle clientèle. « Nous sommes à un tournant, avec une vraie prise de conscience de la nécessité du digital », atteste Mélanie Flouquet, analyste chez JP Morgan. Pour les acteurs du luxe, s’implanter sur ce réseau est le moyen d’entretenir leur compétitivité. L’enjeu étant de proposer une expérience client aussi performante sur Internet qu’en boutique.

 

 

 

Luxe: les limites de l’expérience d’achat en ligne

Selon Fabien Rambaud, ancien manager au sein de l’agence Kurt Salmon avant qu’elle ne devienne Wavestone, le panier moyen des achats en ligne augmente. Des consommateurs sont désormais prêts à dépenser plusieurs milliers d’euros sur Internet, mais aussi via le mobile. La clientèle du luxe est donc prête à acheter en ligne et il n’y a plus de réel frein pour les marques de luxe à développer l’e-commerce. D’après l’étude du Boston Consulting Group, un acheteur sur quatre parmi les français les plus riches, dépense plus de 1.000 euros par an via Internet. Mieux encore, lorsqu’il évoque le canal Internet, Serge Carreira, Directeur du Retail Merchandising de la marque Miu Miu, juge que «ce mode de distribution n’est plus perçu comme un élément de banalisation par le consommateur». Il permet même un rapport décomplexé au produit, alors qu’il peut y avoir un certain frein psychologique à rentrer dans une boutique de luxe traditionnelle. Toutefois, même si dans le cadre de leur dernier baromètre, le cabinet Wavestone et l’agence Uptilab, spécialiste de la data, saluent les progrès du secteur en termes de transformation digitale, ils constatent néanmoins le manque de généralisation du e-commerce, surtout dans l’horlogerie-joaillerie, puisque 69% des sites ne le proposent toujours pas, et que les performances sur Internet pour les montres et les bijoux n’atteignent que 4,1% des ventes alors que les cosmétiques et le prêt-à-porter peuvent   représenter 7,2%. L’expérience d’achat et le « ré-enchantement » de la consommation via le e-commerce restent également limitées.

Aujourd’hui, les marques de luxe ne proposent pas d’expériences d’achat suffisamment différenciantes par rapport à celles offertes par les enseignes retail. Elles ont même parfois un certain retard à rattraper concernant la présentation des produits et les services offerts en ligne. Même si certaines marques affichent de belles performances, les écarts sont importants et de nombreux fondamentaux sont absents.

Selon le baromètre, plusieurs services sont à améliorer dans le domaine de l’expérience client dont la livraison gratuite qui est absente de la moitié des sites (48%). Les maisons de luxe multi- catégorielles sont les meilleures élèves. Elles sont 40 % à proposer ce service. Bien qu’il soit considéré comme essentiel car les marques doivent s’inscrire dans cette logique, l’omnicanal est également encore sous-exploité. « Les marques doivent s’inscrire dans une logique «omnicanal». Quel que soit le canal que privilégie le client – la boutique, le téléphone, la conciergerie ou le site Internet – il ne doit y avoir qu’une seule et même marque. Il appartient à cette dernière de garantir l’unicité de l’expérience client, donc de pouvoir reconnaître celui-ci de manière unique, quel que soit le canal choisi et le moment », précise Fabien Rambaud. Par exemple, le «Click & Collect» n’est proposé que par cinq marques : Burberry, Farfetch, Hermès, Fendi et Louis Vuitton.

Autre service client trop souvent décevant: la personnalisation qui est encore peu proposée (seulement 35% des marques). Parmi les rares à proposer ce service, Dior, avec sa plateforme en ligne mydiorsoreal.com inaugurée en décembre 2015 à l’occasion des fêtes de fin d’année, offre aux clientes six choix de personnalisation de lunettes de soleil. Les verres (miroir, semi miroir, double miroir), la couleur des sourcils, du métal, des branches et des patins de nez, tandis que dix-huit caractères au choix peuvent être gravés sur l’intérieur de la branche. Le tout sur le site internet de Dior, la monture étant livrée dans un délai de quatre semaines environ (pour un prix proche de 580 euros).

Les précurseurs de la transformation digitale

Les principaux résultats de l’étude Wavestone -Uptilab montrent que le podium général de la transformation digitale est partagé par le pure player Net-A-Porter, suivi par Burberry (avec un taux de 7,5% de ses ventes en ligne) qui a très tôt investi dans le digital et a joué un rôle de précurseur dans le secteur, en particulier au niveau de l’expérience client. Le trio de tête est complété par Hermès. La marque est notamment portée par sa performance en termes de maturité digitale.

Hermès propose par exemple un site e-commerce pour vingt-trois pays où aucune boutique de la maison n’est présente. Les objectifs étant de donner un accès à l’intégralité du catalogue soie et toucher un public plus jeune par la mise en avant des produits plus abordables comme la gamme Maxi Twilly. En effet, l’un des avantages de la vente en ligne est qu’elle permet de s’adresser à une nouvelle clientèle qui n’osait pas se rendre en boutique, ou bien n’avait pas cette opportunité, faute de magasin à proximité. Longchamp, dont les ventes en ligne vont jusqu’à représenter 8,5% de son chiffre d’affaires, s’illustre grâce notamment à son module de « click- to-call » présent sur son site. Cette plateforme permet aux internautes de s’entretenir avec un conseiller. « Notre objectif est d’augmenter le taux de conversion tout en accroissant la satisfaction client. Les clients du luxe se montrent exigeants sur la qualité de service », explique Jessica Fontaine, chargée du projet.

Autres exemples d’innovation : après Boucheron qui a lancé, dès janvier 2010, un service d’essayage virtuel grâce à une application proposant de prendre son poignet en photo pour y superposer un bijou, Hugo Boss permet désormais de télécharger sa photo dans une cabine d’essayage virtuelle afin d’aider les clients dans leurs choix de vêtements. En ce qui concerne la maturité digitale, bien que les marques de luxe soient présentes pour 76% d’entre elles sur les réseaux sociaux, elles sont en retard sur le mobile: plus de 2 marques sur 3 ne proposent aucune application, IoS ou Android ; et 33% des sites n’optimisent pas leur navigation.

Si dans l’ensemble, les marques de luxe ont encore des efforts à faire en termes de stratégie mais aussi d’équipement technologique, l’étude Wavestone révèle leurs bonnes performances autour de l’engagement, essentiel à l’expérience client: l’analyse du trafic web montre en effet que les internautes s’intéressent aux marques de luxe. Le nombre de pages vues et le temps de consultation moyen sont très satisfaisants. A ce titre, le meilleur engagement est celui de Louis Vuitton avec une moyenne de 13 pages vues et 5,44 minutes par session. Le choix d’Internet pour l’achat de produits de luxe s’explique principalement par le confort et la praticité de ce mode de vente: achat à toute heure, gain de temps, comparaison des prix plus facile. Et pour contre balancer l’absence d’expérience boutique, les grandes marques usent de stratégies pour valoriser l’e-commerce, notamment grâce à des services toujours plus performants et différenciés. « Celui qui achète en ligne auprès d’une marque de luxe, s’attend à autre chose qu’un simple colis. L’expérience client proposée, en ligne comme en boutique, doit être à la hauteur du prestige de la marque », poursuit Fabien Rambaud. A côté des sites multimarques/multiproduits dont le business model est fondé sur une offre large et profonde (effet catalogue), comme 24 Sèvres. Le site e-commerce propose « une sélection des produits qui reflète une vision parisienne de la mode», explique Eric Goguey, son directeur général et fondateur. 24 Sèvres (clin d’oeil à l’adresse parisienne du Bon Marché, 24 rue de Sèvres) va proposer la livraison dans 70 pays du monde. L’internaute pourra être mis en relation et discuter en visioconférence avec un « styliste » pour obtenir des conseils personnalisés en français ou en anglais. Les pratiques des sites en propre des maisons de luxe divergent largement. Ainsi, l’offre de Louisvuitton.com est aussi relativement large et profonde tandis qu’Hermes.com propose une offre courte, centrée sur les entrées de gamme. Ces orientations stratégiques témoignent de ciblages de clientèle différents. Internet permet effectivement de cibler deux catégories de clients: les aspirationnels, non-initiés à la marque et au luxe (logique de recrutement) et la clientèle d’habitués (logique de service).

En revanche, toute une frange de la clientèle des maisons de luxe – la clientèle occasionnelle attachée aux codes du luxe – ne constitue pas pour l’heure une cible pour la vente en ligne de produits de luxe (hors discount). Par ailleurs, l’assortiment mis à disposition à la vente en ligne est un point crucial: quelles catégories de produits mettre en vente sur le site? Pour chaque catégorie, quels modèles, et comment les sélectionner ? Dans un contexte de pénurie et avec le rythme des collections, c’est toute la chaîne de valeur qui est impactée.

Article co-écrit par Emilie DEMOUSSEAU,

Charlotte DUBOUCIS, Bérénice PICOT et

Amélie MERCIER du MBA Premium & Luxury

Marketing SUP de Co La Rochelle, sous la

direction de Claire DOMERGUE.

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