Le marché du vin rosé, longtemps considéré comme une boisson rafraîchissante et légère, est en train de devenir un nouveau champ de bataille pour les grands groupes viticoles et les célébrités du monde entier. Alors que la demande pour ce breuvage ne cesse de croître, les investissements massifs et les partenariats innovants témoignent de l’effervescence d’une industrie en pleine évolution.
Depuis une vingtaine d’années, les grandes maisons viticoles ont observé un engouement croissant pour le vin rosé. Jadis considéré comme un simple apéritif estival, le rosé a gagné en popularité, devenant une véritable tendance mondiale. Les grands groupes vinicoles, traditionnellement spécialisés dans la production de vins rouges et blancs, se bousculent désormais pour obtenir une part du marché lucratif du rosé.
Pourtant, si on remarque une multitude d’histoires à succès au niveau local, c’est l’émergence croissante des grands conglomérats qui provoque des remous dans ce domaine. En première ligne, Moët Hennessy, la filiale de LVMH en charge des entreprises de vins et spiritueux, porte depuis longtemps un vif intérêt à la région.
Acquisition de domaines
Première étape de cette conquête silencieuse, le Château Galoupet. Ce domaine a rejoint l’empire de Bernard Arnault en juillet 2019. Cette propriété du littoral varois, offerte par un maharajah à son épouse en 1973, ne faisait pas partie des 18 crus classés de Provence les plus prestigieux. Quelques mois plus tard, l’acquisition de 55 % du capital du Château d’Esclans a confirmé l’ambition du groupe de luxe de devenir un acteur dominant, voire principal, du secteur, en particulier sur le marché international où il excelle.
Sacha Lichine, une figure emblématique du monde du vin, avait vendu en 2005 le cru classé familial de Margaux, Prieuré-Lichine, pour s’installer dans l’arrière-pays varois. D’emblée, ce visionnaire a proclamé que “le rosé doit devenir un produit de luxe” et a lancé avec succès la bouteille la plus chère de son genre, le Garus, vendu 100 euros. Le géant franco-américain a connu un succès phénoménal en propulsant les côtes-de-Provence et plus particulièrement sa cuvée Whispering Angels sur le devant de la scène outre-Atlantique.
Le cas Minuty
Dans ce marché en pleine expansion, les dirigeants de LVMH ont la conviction qu’ils peuvent accomplir avec le rosé de Provence ce qu’ils ont réalisé il y a bien des années avec les maisons de Champagne. Leur objectif est de conférer à la région de Provence un statut de référence mondiale, à l’instar de ce qui a été réalisé pour la Champagne, créant ainsi un effet d’entraînement bénéfique pour tous les acteurs du secteur. Le président de Moët Hennessy, Philippe Schaus, déclare avec enthousiasme : « La Provence doit être au rosé ce que la Champagne est aux multiples vins mousseux. Nous allons faire du rosé de Provence, avec Esclans et Minuty (totalisant 25 millions de bouteilles), un produit de premier choix. »
LVMH a donc pris les rênes de Minuty en ce début d’année 2023, en acquérant la majorité du capital à la famille Matton, le plus grand négociant en rosé de Provence (9 millions de bouteilles par an). Le groupe de luxe sécurise ainsi ses approvisionnements (le domaine dispose de 151 hectares de vignes), tout en bénéficiant du meilleur réseau de distribution du secteur. Minuty possède également une usine d’embouteillage et prévoit d’ouvrir prochainement une cave de vinification. La réputation intrinsèque de la marque Minuty, un grand cru classé des Côtes de Provence depuis 1955, située à proximité de Saint-Tropez, peut en outre servir de produit phare au sein de la gamme des vins rosés de LVMH.
La nouvelle de cette alliance est perçue comme une aubaine pour l’ensemble de la filière. Elle ne peut qu’encourager tous les domaines (Domaines Ott, Miraval, Peyrassol, Château Thuerry, Sainte Roseline, etc.) à intensifier leurs exportations, notamment vers l’Asie, le Moyen-Orient et les États-Unis, où la demande pour le rosé ne cesse de croître. Il y a vingt ans, le rosé ne représentait que 1 % des ventes de vin dans le monde, contre 10 % aujourd’hui. Rappelons que les ventes de vins et champagnes ne constituent actuellement que 4 % du chiffre d’affaires total de LVMH, qui s’élève à 79,2 milliards d’euros.
Les célébrités s’impliquent
Bernard Arnault n’est pas le seul à être captivé par le charme du rosé. L’achat en 2019 du Château d’Estoublon, situé dans les Alpilles, par l’entrepreneur fortuné Stéphane Courbit, confirme cette tendance, tout comme les investissements de Vincent Bolloré (propriétaire du domaine de La Croix à La Croix-Valmer et de la Bastide Blanche à Ramatuelle), de Richard Mille (propriétaire du château Rêva à La Motte), des champagnes Roederer, qui ont acquis des parts dans les domaines Ott (château Romassan, château de Selle et le Clos Mireille), et même de Chanel, qui s’est joint à la danse en 2019 en achetant le domaine de l’Île, à Porquerolles.
Indubitablement, le marketing par le biais de personnalités célèbres fait aussi sensation en Provence. En plus des personnalités déjà mentionnées, on compte également Brad Pitt (propriétaire de Miraval), Tony Parker (propriétaire de La Mascaronne), George Lucas (propriétaire de Margüi), George Clooney (propriétaire de Canadel), Ridley Scott (propriétaire du Mas des Infermières), Patrick Bruel (propriétaire du Domaine Leos), Kylie Minogue (propriétaire de Sainte-Roseline), et bien d’autres encore.
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