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L’avenir de la marque de lingerie La Perla ne tient plus qu’à un fil

La marque italienne de lingerie de luxe, emblème d’un Made in Italy sexy, connaît de grandes difficultés financières. Cinq ans après avoir rejoint le fonds d’investissement néerlandais Tennor Holdings, La Perla se heurte aux changements de consommation et à la contraction du climat économique.

 

La table ronde extraordinaire qui s’est tenue à Rome début septembre, entre le gouvernement italien et les dirigeants de la société a constitué consitué sans conteste le point d’orgue d’une situation financière préoccupante depuis quelques années.

Les investissements consentis par les propriétaires successifs sont tels, que l’entreprise a accumulé de lourdes dettes, accentuées par la période pandémique et une stratégie de diversification excessive.

 

Manque de liquidités

 

Tout est parti d’une annonce choc des représentants syndicaux lors de la première quinzaine du mois d’août.

En raison de la crise, le fond d’investissement, Tennor Holdings, propriétaire de la marque de lingerie de luxe italienne La Perla déclare être dans l’impossibilité de verser les salaires du mois aux 350 employées que compte l’entreprise transalpine sur le territoire.

 

Le président de la Région Emilie-Romagne, dont relève la ville où est implantée l’usine, y voit une “violation flagrante des engagements pris par les propriétaires avec les institutions, en premier lieu la Région, et avec les syndicats”.

 

Pourtant, trois mois plus tôt, la direction du groupe annonçait une relance imminente de la marque à grand renfort de projets d’investissement.

 

Dans le détail, ces mêmes propriétaires s’étaient engagés auprès de la Région à payer leurs fournisseurs à raison de 60 à 70 millions d’euros à crédit dans un délai d’un mois, à ce que l’usine Via Mattei soit remise sur pied ou encore à développer de nouveaux produits.

 

Devant le tollé provoqué, le gouvernement italien s’est saisi de la question. Mardi 5 septembre, il a ainsi convoqué au Mimit (Ministère de l’Entreprise et du Made In Italy), des représentants de la Région, les membres du comité de direction du groupe dont le propriétaire et financier allemand Lars Windhorst en visio, ainsi que les syndicats.

 

Au même moment, inquiètes sur leur sort, 160 ouvrières de l’usine de Bologne manifestaient sous les fenêtres du ministère.

 

Vers la fin d’un épilogue ?

 

“L’imprévoyance de la direction, qui a même versé le dernier salaire – juillet – avec près d’un mois de retard, met les travailleurs en difficulté et compromet l’avenir de l’emploi et les perspectives de développement d’une entreprise qui a toujours été appréciée dans le monde entier”, a déclaré le secrétaire confédéral de la Confédération générale italienne du travail (CGIL), Pino Gesmundo.

 

A l’issue de la réunion, la direction de La Perla s’est engagée à garantir le paiement des salaires du mois d’août et à fournir les ressources nécessaires à la reprise de la production.

Le conseiller régional pour le développement économique et l’emploi, Vincenzo Colla, s’est montré plus dubitatif.

 

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Plus que des déclarations d’intention, il considère la future feuille de route qui doit être présentée en octobre prochain bien plus déterminante quant au devenir de l’entreprise et de ses salariés. “Nous attendons la définition d’une feuille de route d’interventions financières, claire et rapide, pour relancer la production à Bologne. Sinon, nous risquons d’assister à l’appauvrissement de La Perla, un patrimoine historique et des travailleurs extraordinaires. En même temps, il faut arriver à un plan industriel qui soit à la hauteur et qui donne des perspectives d’avenir”, a-t-il déclaré, à l’issue de la réunion du 5 septembre.

 

Pour autant, comme le rapporte la principale agence de presse italienne Ansa, le prêt de 50 à 70 millions d’euros qui permettrait de rétablir la liquidité de l’entreprise et ainsi de payer ses fournisseurs est loin d’être certain.

 

Un emblème historique qui n’a plus d’italien que le nom

 

Originaire de la ville de Bologne, la marque historique de lingerie la Perla, emploie 330 personnes en Italie, dont 230 dans l’usine de production de Bologne. Pourtant, cela fait déjà cinq ans que l’entreprise ne bat plus pavillon italien. A la suite du départ de la famille fondatrice, les multiples propriétaires successifs et le mercato trop rapide de ses directeurs artistiques ont considérablement affaibli la marque.

 

Qu’elle semble loin l’époque où son nom évoquait une boîte doublée de velours rouge, semblable à un écrin de bijoutier, dans laquelle étaient déposées les premières collections ! C’est de là qu’est parti le nom La Perla pour symboliser l’harmonie, le luxe et la féminité.

 

Si le début de sa saga débute dans la lingerie, la marque ne tarde pas à se diversifier dans le sleepwear et les maillots de bain, mais également dans la beauté ou encore la décoration intérieure.

 

Dirigée de 1954 à 1981 par la fondatrice et visionnaire Ada Masotti – surnommée “ciseaux d’or” pour ses talents de corsetière- l’entreprise a été transmise à sa mort à son fils Alberto Masotti qui, fraîchement diplômé de médecine, décide de se consacrer entièrement à l’entreprise familiale. Il en prend les rênes de 1981 à 2007.

 

Au départ de ce dernier, La Perla s’est consolidée en groupe avec une dizaine de marques (Malizia, Occhi Verdi, Joelle, AnnaClub, Oceano, Grigio Sport, …) et s’est diversifiée dans les accessoires (sacs, chaussures) via des accords de licence. Le groupe La Perla compte alors près de quatre-vingts boutiques à travers le monde et réalise un chiffre d’affaires d’environ 200 millions d’euros.

 

Sortie du giron familial

 

En octobre 2008, après un quart de siècle d’aventure familiale, La Perla est vendue à JH Partners, une société de capital-investissement basée à San Francisco et spécialisée dans les investissements dans les sociétés de services et les marques de luxe.

Cette dernière veut “faire de La Perla l’une des marques de lingerie de luxe les plus importantes au monde sans pour autant renier son passé”. A cette fin, il elle investit 50 millions d’euros dans l’entreprise, rationalise les différentes lignes et planifie sur 3 ans près de 160 inaugurations de boutiques en Asie, en Russie et en Amérique du Sud.

 

En 2013, rien ne va plus : l’Europe subit le contrecoup de la crise financière américaine, qui se transforme en crise économique. L’Italie ne fait pas exception. L’accès au crédit se complexifie tandis que les consommateurs procèdent à un arbitrage drastique sur les produits haut-de-gamme, pénalisant les ventes de La Perla. Celles-ci reculent de 5 % à 107 millions d’euros par rapport à 2012, tandis que l’entreprise de lingerie enregistre 5 millions d’euros de pertes, et près de 70 millions d’euros de dettes.

 

En 2017, au prix de lourds investissements, La Perla renoue avec la croissance via un chiffre d’affaires de 140 millions d’euros.

 

Mais en 2018, via l’intermédiaire de sa holding Pacific Global Management, Silvio Scaglia, fondateur de l’opérateur de télécommunications Fastweb et à la tête de SMS Finance, rachète pour 69 millions d’euros, l’entreprise aux enchères organisées par le tribunal des faillites de Bologne.

 

Triomphant du favori Calzedonia, l’entrepreneur italien déclare à la sortie du tribunal «Nous allons faire de La Perla une grande marque internationale de beauté et de luxe féminin». Il confirme alors être prêt à “un investissement d’au moins 100 millions d’euros pour reporter La Perla au niveau qu’elle mérite”.

 

Il ignore alors qu’il lui faudra investir 350 millions d’euros dans sa relance avec un plan de développement visant à consolider l’identité de la marque.

 

Il choisit de miser sur Studio La Perla, une marque bis aux prix plus accessibles visant à séduire les millennials, lancée un an plus tôt. Or, si la marque phare voit son image préservée, le relais de croissance espéré tarde, lui, à arriver.

 

Après un plan de restructuration drastique et avoir transformé La Perla en marque lifestyle avec une diversification poussée dans le prêt-à-porter mixte, Silvio Scaglia  cherche à s’en séparer. En 2018, il trouve finalement comme enchérisseur surprise le fond neerlandais Sapinda, qui deviendra plus tard Tennor Holdings. Le siège est alors déplacé à Londres, tandis que les ateliers sont conservés en Italie.

 

Particulièrement exposée à la pandémie en raison d’une stratégie de distribution essentiellement physique, la marque accélère dans le digital, en nouant un partenariat avec Amazon Luxury Store.

La Perla cherche alors à accroître rapidement son audience.

Elle se met à proposer des vêtements de tous les jours, dans un esprit shapewear et plus size, tandis qu’elle lance sa gamme beauté (parfums, soin du corps et maquillage). Un déploiement tout azimut qui finit par brouiller l’image de la marque avec un positionnement prix qui reste trop haut.

 

L’avenir de cette entreprise emblématique est aujourd’hui suspendue à la prochaine feuille de route annoncée pour octobre prochain.

 

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Photo à la Une : © La Perla

Victor Gosselin

Victor Gosselin is a journalist specializing in luxury, HR, tech, retail, and editorial consulting. A graduate of EIML Paris, he has been working in the luxury industry for 9 years. Fond of fashion, Asia, history, and long format, this ex-Welcome To The Jungle and Time To Disrupt likes to analyze the news from a sociological and cultural angle.

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