Alexandre de Sainte Marie a été le Directeur Général du pôle Arts de la Table du Groupe Hermès de 1996 à 2004. Aujourd’hui, il accompagne en tant que conseil indépendant plusieurs marques de luxe sur leurs enjeux de stratégie de différenciation et de création de valeur. Diplômé de l’ESCP – Europe, Alexandre est aussi l’auteur de « Luxe et marque » (Dunod), un livre qui vient d’être publié en Chine. A cette occasion, Alexandre a souhaité revisiter et actualiser le témoignage qu’il avait donné à Luxus Plus en 2018.
Par Alexandre de Sainte Marie, auteur de « Luxe et marque » (2015) et fondateur de Neapolis
Quelle(s) nouvelle(s) stratégie(s) envisager ?
La marque doit d’abord construire une stratégie de différenciation complète, laquelle lui permettra d’être reconnue comme unique et exclusive par sa clientèle, cela grâce à la sublimation des éléments les plus distinctifs de son identité.
Elle devra ensuite être aussi locale que possible pour s’intéresser de manière authentique d’abord à des personnes (en espérant qu’elles deviennent ensuite des clients !).
Pour chaque pays de destination cela passe par une réelle sensibilité à la langue, à la culture, à l’environnement social, sociétal, religieux … Il convient d’adapter la communication, les messages, les supports de diffusion … pour tenir compte du contexte et de l’éco système digital local.
Quel serait l’idéal ? Une marque qui soit à la fois italienne quand elle parle depuis Milan, japonaise quand elle s’exprime à Tokyo et nord-américaine quand elle prend une initiative à San Francisco … tout en restant authentique !
Enfin elle devra trouver LE point naturel et pérenne d’équilibre entre ses activités digitales et celles conduites dans le monde réel :
Sans prétendre à l’exhaustivité, les 5 orientations ci dessous pourraient l’y aider :
– Privilégier la cohérence de l’ensemble off / on line, et adapter toute l’organisation interne en supprimant les silos (1) et en optimisant le partage de la Data ;
– Favoriser la libre circulation de la clientèle entre les deux expériences de la marque vécues l’une sur Internet et l’autre dans le monde réel de son réseau de boutiques, au contact direct de ses ambassadeurs ;
– Investir dans la création de synergies entre ces deux expériences. Que chacune contribue à une expérience globale de la marque qui soit vraiment exceptionnelle ;
– Placer une Data valorisée et enrichie au service de la création de valeur pour les clients, et Internet au service du luxe (et non le contraire !)
– Enfin savoir éviter les chausse-trappes d’une digitalisation excessive des points de vente …
Si, pour conclure, je m’adressais directement à cette marque, je lui glisserais juste ce conseil, en un clin d’oeil : « gardez l’émotion et l’humain en fil rouge, jouez, créez pour séduire, prenez des risques, acceptez ne pas plaire à tout le monde et, j’en prends le pari, l’avenir vous sourira ! »
Chez Fenty, le binôme traditionnel (P)DG – DA est ainsi dépassé ; Rihanna concentre ces deux rôles sur sa seule personne.
Ce choix n’est certes pas une première absolue (Jean Louis Dumas chez Hermès et Christopher Bailey chez Burberry ont ouvert la voie ; un créateur de mode est souvent le patron de la marque éponyme pendant ses premières années). Mais il est néanmoins exceptionnel, pour les trois raisons ci dessous :
– il s’agit d’une nouvelle marque (ce qui n’était le cas ni pour Hermès ni pour Burberry)
– la personnalité de Rihanna est hors normes et illustre l’ouverture du luxe à de nouvelles influences et sources d’inspiration ;
– enfin il bénéficie de la très forte visibilité médiatique qui lui est donnée par son co actionnaire LVMH.